"L'instant précis où les destins s'entremêlent" d' Angélique Barberat
Michel Lafon, Janvier 2014
Difficile d'évoquer avec justesse un roman auquel on pense encore longtemps après l'avoir refermé...
De trouver les mots pour exprimer combien ceux d'une inconnue nous ont touchés, procuré un sentiment si fort qu'on en a oublié la fiction pour se plonger dans la réalité des personnages. Ces personnages qui, dès les premières lignes, sont devenus des personnes que l'on avait hâte de retrouver...
S'il est un livre qui m'a marqué ces dernières années et que j'ai soigneusement rangé dans ma bibliothèque comme un bijou, sachant que l'envie de rouvrir l'écrin qui l'abrite se présenterait, c'est bien cette merveille de littérature que nous a offert Angélique Barbérat.
Lorsque Corin, docile et disciplinée, se mue en une jolie jeune fille aux longs cheveux blonds encadrant son visage candide, son père, méfiant, redoute que quelque individus mal intentionnés ne lorgnent d'un peu trop près la seule fille de sa grande tribu. Avec la complicité d'un ami, il la fait embaucher comme serveuse dans le restaurant de ce dernier. Gardant ainsi un oeil sur elle, il se met en quête du meilleur parti, songeant plus à ses propres intérêts qu'à ceux de Corin. Quand tous deux repèrent Jack, concessionnaire automobile, les deux compères sont convaincus d'avoir trouvé la perle rare. Mais... ne dit-on pas qu'il ne faut jamais se fier aux apparences? Client régulier du restaurant, tous sont aux petits soins pour lui, et Corin aura à peine le temps de s'en apercevoir qu'elle se retrouvera la bague au doigt, sous la coupe de cet homme violent, jaloux et possessif, qui exige d'elle obéissance et soumission, sans quoi les coups pleuvent autant que les cadeaux hors de prix et les promesses que jamais cela ne se reproduira...
Puis vient cet "instant précis où les destins s'entremêlent"... et sa rencontre avec Kyle, l'écorché vif, qui ne vit que pour et par sa musique. Parti rejoindre son manager, Kyle renverse accidentellement le fils de Corin et les accompagne à l'hôpital à l'arrivée des secours. Ce n'est ni le lieu ni le moment mais les coups de foudre ne se prévoient pas... Leurs regards se croisent, leurs doigts se frôlent, la gêne de ce besoin tactile en est presque palpable... Fou de rage, Jack vient interrompre cette magie inattendue et ramène sa famille à la maison, cage dorée d'où Corin, que rires et désirs ont abandonnée depuis longtemps, observe le monde à travers les barreaux.
Témoin du meurtre de sa mère lorsqu'il était enfant, Kyle n'a jamais surmonté ce drame et le porte comme un fardeau. Très proche de sa demi-soeur Jane, il tente de dépasser son sentiment de culpabilité en s'investissant dans les activités de la "Maison", où elle recueille les femmes victimes de maltraitances conjugales. Malgré sa vie tumultueuse avec le groupe de rock dont il est le leader ( et l'ingérable Patsy!), "Migraine" et ses tourments ne lui laissent aucun répit, qu'il soit en tournée à Londres ou au fin fond de l'Asie.
De "cet instant précis" née l'obsession commune de se revoir, un refuge, une échappatoire qui n'appartient qu'à eux. Comme si Kyle et Corin étaient capables de communiquer à travers tout ce qui les entoure, malgré la distance qui les sépare. Le souvenir de ce premier regard, la vue d'un paysage, une odeur, un objet... Les occasions de se croiser sont pourtant nombreuses: lui, toujours sur la route ou dans les airs; elle, suivant Jack et son égo surdimensionné, ne jurant que par son statut social et se pavanant aux quatre coins du monde, exhibant sa famille modèle dans les lieux en vogue où il faut être vu.
Que dire de cette petite araignée qui tisse sa toile partout où elle se trouve? Et elle se trouve parfois là où l'on l'attend le moins! Quel drôle de personnage! Elle observe, constate, relate à sa façon. Est-elle le livre qui s'adresse à son lecteur, mélange de prises de conscience, de doutes, d'espoirs, de rêves, de peurs? Elle n'est qu'une touche de magie supplémentaire qui fait de ce roman une pépite, de la première à la dernière ligne, où le plus infime des détails se rappelle à nous comme un écho, deux cents pages après l'avoir lu, sans lui avoir prêté l'importance qu'il méritait.
Bien sûr, on suppose, on imagine, on se retrouve impuissant et déchiré, ne sachant jamais ce qu'il va se produire. Mais l'auteur parvient sans cesse à nous surprendre, apportant toujours plus de profondeur au récit. Elle a ce talent de tout magnifier, de la douleur à l'absence, au plus petit moment de joie... et "Les joies... pas besoin de les réviser. On peut les accueillir par surprise. Mais les anti-joies... Mieux vaut les anticiper pour mieux les digérer. C'est comme les claques dans la gueule. Les plus dures sont celles qu'on n'a pas vues venir."
Mais ces destins entremêlés nous réservent bien d'autres surprises, et il serait dommage d'en dévoiler plus...
SWAP
SWAP " SOUS LE SAPIN"
Et si le Père Noël se faisait aider cette année? Qu'en pensez-vous?
Cela vous tente? Alors ce SWAP est pour vous!
ENCRE LES MOTS et le blog LES LECTURES DE LAILAI sont donc à la recherche de plusieurs groupes, membres des blogs ou non ( c'est d'ailleurs l'occasion de vous inscrire! ) souhaitant y participer.
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En cas de désistement, merci de prévenir votre binôme au plus vite afin qu'il ne se retrouve pas seul...
Le mot d'ordre? Se faire plaisir!...
Et avoir un petit paquet de plus sous le jour J!
Le principe est simple...:
- Remettre une liste de 7 livres à votre binôme (pensez à mêler livres brochés et livres de poches pour vous adapter au budget de chacun, et à préciser si vous acceptez un livre surprise et les livres d'occasion en très bon état)
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* et une surprise
(ou plus encore, toujours en accord avec votre binôme)
Les thèmes proposés:
L'Amitié, La Famille, Les Créatures Fantastiques, Les Biographies
Plusieurs groupes peuvent choisir le même thème, et votre binôme et vous êtes libres de proposer votre propre thème.
Les colis devront être envoyés le 15 décembre au plus tard
" Nos Etoiles Contraires" de John GREEN
Editions Nathan, Février 2013
"Plus qu'une note de l'auteur, il s'agit d'une petite précision; ce livre est une oeuvre de fiction. Ni les romans ni les lecteurs ne gagnent à ce que l'on cherche à savoir si des faits réels se cachent derrière une histoire. Ce genre de tentative sape l'idée que les histoires inventées peuvent avoir de l'importance, ce qui est pourtant un des postulats fondamentaux de notre espèce. Je compte sur vous pour ne pas l'oublier."
Ce n'est certes qu'une note d'auteur comme on pourrait en lire tant d'autres... Touchante de simplicité, de véracité, le contexte dans lequel l'a écrite John Green lui beaucoup de son sens. Il aborde un sujet qui nous concerne nous de près ou de loin, et qu'importe le caractère fictionnel des héros dont il va nous narrer l'histoire: nous croisons, et continuerons de croiser chaque jour des Hazel et des Gus...
Avec l'innocence de gamins qui ne veulent pas d'un réalité qui est la leur, ces deux ados doivent réfléchir comme des adultes, confrontés à la maladie et à la mort. Ils pensent à "après", à leurs parents, au souvenir que leurs amis garderont d'eux, mais tendent à l'autarcie tant l'intensité de leur relation prend le dessus sur tout. On s'attache rapidement à Hazel et Augustus, c'est évident. Comment ne pas être attendri lorsqu'en pleine discussion, l'un d'eux déclare avec sérieux et une colère qu'ils peinent à maîtriser: "On meurt au milieu d'une phrase, au milieu de la vie."?
Lorsqu'ils se rencontrent à l'une des réunions du groupe de soutien que fréquente la jeune fille, son ami Isaac vient accompagné de Gus. Dès le premier regard, un complicité ambiguë nait entre eux. C'est par l'intermédiaire d'un roman que celle-ci veut lui faire lire qu'ils se découvrent et Gus tombe amoureux, malgré les réticences d'Hazel à se laisser aller. Ledit roman, écrit par un certain Peter Van Houten, devient peu à peu un personnage à part entière de l'histoire, cette dernière ne jurant que par lui. A son grand étonnement, Gus se passionne pour ce livre et lui voue le même culte. Péripéties inattendues en perspective!
Riche en références, aussi bien littéraires que scientifiques ou artistiques, l'auteur restitue ces jeunes dans un univers qui est le leur: fans de jeux vidéos et de romans de science-fiction, n'ayant pas leur langue dans leur poche, ils ne manquent pas de répartie et y vont toujours de leur petit commentaire cynique, jamais réellement méchant. Mais cette adolescence, marquée par la maladie, les pousse à profiter de l'inéluctable éphémère de chaque instant. Ils ressentent le monde à fleur de peau: "On n'est jamais sauvés que provisoirement" rappelle constamment Gus, et l'on souffre avec eux de savoir que l'avenir n'existe pas.
D'une plume fluide, John Green distille une touche d'humour là où d'autres tomberaient dans le mélo larmoyant, et de la magie dans les moments les plus difficiles. On sait plus ou moins comment s'achèvera cette histoire, sans pour autant être cousue de fil blanc et tient le lecteur en haleine jusqu'au bout. Qui restera? Qui nous quittera le premier?
Déjà très médiatisé lors de sa sortie, ( "Qui es-tu Alaska", son premier roman avait remporté un franc succès en 2007), on parlait de "Nos Etoiles contraires" comme LE roman de l'année. A-t-il souffert de cette sur-médiatisation et de sa récente adaptation cinématographique? On passe un bon moment en compagnie d'Hazel et Gus, si tant est que l'on puisse parler de "bon moment" dans un contexte tel que celui-ci, mais le coup de coeur attendu n'était pas au rendez-vous...
"Confusion" de Cat CLARKE
Robert Laffont, Octobre 2012
Grace avait tout pur être heureuse. Mais quelle jeune fille de son âge n'a passé des heures à geindre de son morne quotidien, de sa penderie pleine à craquer, convaincue de n'avoir rien à porter, et que rien qui ne se passe jamais comme prévu?
Elle avait pourtant Nathan, pour qui elle craquait complétement, sa meilleure amie Sal, toujours là en cas de coup dur, et jouissait d'une certaine popularité dans son lycée où elle s'était intégrée tant bien que mal: alcool, aventures sentimentales à répétition, fêtes à tout va chaque fois que l'occasion se présentait. Elle voulait être là où il faut être vue, se faire remarquer et pas toujours de la meilleure manière qui soit. Etre "la fille cool", toujours prête à tout...
Entrant et sortant de chez elle comme dans un hôtel, sa mère laissait passer toutes ses tentatives de provocation pour attirer l'attention. Absente la plupart du temps depuis le décès de son père, leur rapports alternaient brefs conflits et échanges superficiels. Mais derrière cette attitude désinvolte se cachait une mélancolie latente qu'elle ne supportait plus.
Un soir, déçue de tout et de tous, elle s'enivre et part seule dans un parc avec la ferme intention de se suicider. Son dernier souvenir? Sa rencontre avec la mystérieux Ethan. Kidnappée et enfermée dans une chambre où tout est blanc, avec seulement des feuilles et de stylos, elle se met alors à écrire, comme il le lui le demande. Elle n'a guère d'autre occupation, si ce n'est cogiter sur sa vie et dormir. Grace ne fait pas dans la langue de bois lorsqu'elle évoque son passé. Un passé dont elle n'est pas vraiment fière. L'introspection à laquelle elle se soumet révèle son manque de confiance et d'estime de soi; mais jusqu'à présent, elle ne s'en était jamais beaucoup souciée.
Ethan... Tout au long du roman, le mystère demeure sur ce personnage troublant. Il fait tout pour elle, anticipe chacun de ses besoins, fait le ménage, lui prépare de bon repas, veille à ce qu'elle ne manque de rien. Mais elle ne sait pas ce qu'elle fait là! Qu'y a-t-il derrière la porte de cette chambre stérile qu'elle n'ose ouvrir? Et que lui veut-il? Peu à peu, elle s'aperçoit qu'elle développe peu à peu le syndrome de Stockholm pour pour cet étrange jeune homme qui l'attire malgré elle...
L'emploi du style "oral", les longs flashbacks et ses monologues lorsqu'elle fait le point sur sa vie, donnent l'impression de connaître l'héroïne et impliquent le lecteur dans l'intrigue. Mais comme elle le dit elle-même: " C'est douloureux de penser. [...]. Je suis fatiguée de penser. Je suis fatiguée de me souvenir.". De la mort de son père en particulier, dont on se sait rien jusqu'à la fin, mais qu'elle évoque souvent.
Plus crue, plus cynique que certains auteurs de sa génération (on pense aux récentes publications de Gayle Forman), Cat Clarke livre un premier huis-clos perturbant, une pause dans le temps où tout repère disparait. "Confusion" envoute, provoque, et suscite l'intérêt jusqu'aux dernières lignes et ... laisse espérer un second tome!
" Pour un jour avec toi" de Gayle FORMAN
Pocket, Juin 2014
Lorsqu'Allyson et sa meilleure amie partent en séjour linguistique avant leur entrée à l'université, Allyson est loin d'imaginer que ce voyage en Europe changera le cours de sa vie...
En un jour...
Disciplinée, rabat-joie pour certains, elle s'intègre difficilement au groupe, faisant simplement ce qu'on attend d'elle. Contrairement à Mélanie qui ne manque pas une occasion de sortir du rang! Mais pour l'une comme pour l'autre, ce voyage sera une révélation, en particulier pour Allyson qui prendra conscience qu'elle n'a peut-être jamais été elle-même.
Attachante, parfois énervante, entêtée... mais n'est-ce pas ce qui fait son charme? Nature, naturelle, elle se livre sans retenue, se découvre et se laisse découvrir par le lecteur. La suivre dans ses pérégrinations crée rapidement un rapport de proximité: on a une réelle envie de la suivre, de savoir ce qui lui passe par la tête, ce qui la pousse à faire des choses qu'elles n'aurait jamais imaginées quelques instants auparavant. Elle devient comme une amie qu'on a envie d'aider, de bousculer parfois, de réconforter.
Peu à peu, elle sort de sa coquille de jeune fille sage, s'émancipe, pour s'ouvrir à la vie et à ses "accidents"... De prévisible, elle devient spontanée et n'en est que plus touchante. Le fait de la suivre durant des mois nous rapproche d'elle, de ses vrais sentiments, de ce qu'elle attendait de la vie sans se l'avouer. Mais il est difficile d'aborder la psychologie des personnages, car elle s'imbrique dans le déroulement de l'intrigue...
Ce premier "accident" est sa rencontre avec Willem. Un soir, elle délaisse la pièce de Shakespeare au programme... pour aller en voir une autre représentation plus atypique, jouée en plein air par une troupe de passage en ville. Comédien à ses heures, il y tient l'un des rôles principaux. Rêveur et nomade, lui ne connait pas la sécurité du cocon familial. Il passe son temps à voyager, sans attaches, plus par peur que par envie, et ne semble trouver sa place nulle part. A fleur de peau, il tente de se dissimuler derrière ses lubies et son humour, mais sa sincérité se révèle lorsqu'il ne peut que baisser sa garde face à Allyson.
Leur rencontre fortuite est intense (on se demande souvent où est la part de hasard...), et la spontanéité contagieuse de Willem les unie aussitôt, décuplée par tant de coïncidences. Alors elle décide de le suivre. Pour un jour. Mais ce jour avec lui apprendra bien des choses sur elle-même et le jeu de la vie...
Au fur et à mesure, Gayle Forman met en scène des héroïnes plus âgées, ce qui confère un réel intérêt à suivre sa bibliographie pour en percevoir l'évolution. Leurs préoccupations restent les mêmes: relations familiales, amicales, sentimentales, mais elles gagnent en maturité et n'envisagent pas les choses sous le même angle. On retrouve leur côté naïf, leur envie de voir la beauté de la vie, leur révolte lorsque celle-ci leur apparait injuste et qu'elles se heurtent à d'inévitables obstacles. Mais l'auteur parvient toujours à extraire quelque chose de positif de toutes les situations. Le ton reste léger, fluide, riche, mais sans avoir l'air, elle sait donner à réfléchir.
Elle délaisse la musique, qui lui est chère, pour s'inspirer des oeuvres de Shakespeare et entraînent le lecteur dans un tourbillon de tirades qui prennent leur sens au fil de l'histoire... et les magnifie.
On ne peut que poursuivre par "Pour un an avec toi", où cette fois, la parole est donné à Willem, durant cette même année...