ENCRE LES MOTS

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Un peu de tout ...


" Nos Etoiles Contraires" de John GREEN

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Editions Nathan, Février 2013

 

"Plus qu'une note de l'auteur, il s'agit d'une petite précision; ce livre est une oeuvre de fiction. Ni les romans ni les lecteurs ne gagnent à ce que l'on cherche à savoir si des faits réels se cachent derrière une histoire. Ce genre de tentative sape l'idée que les histoires inventées peuvent avoir de l'importance, ce qui est pourtant un des postulats fondamentaux de notre espèce. Je compte sur vous pour ne pas l'oublier." 

 

Ce n'est certes qu'une note d'auteur comme on pourrait en lire tant d'autres... Touchante de simplicité, de véracité, le contexte dans lequel l'a écrite John Green lui beaucoup de son sens. Il aborde un sujet qui nous concerne nous de près ou de loin, et qu'importe le caractère fictionnel des héros dont il va nous narrer l'histoire: nous croisons, et continuerons de croiser chaque jour des Hazel et des Gus...

 

Avec l'innocence de gamins qui ne veulent pas d'un réalité qui est la leur, ces deux ados doivent réfléchir comme des adultes, confrontés à la maladie et à la mort. Ils pensent à "après", à leurs parents, au souvenir que leurs amis garderont d'eux, mais tendent à l'autarcie tant l'intensité de leur relation prend le dessus sur tout. On s'attache rapidement à Hazel et Augustus, c'est évident. Comment ne pas être attendri lorsqu'en pleine discussion, l'un d'eux déclare avec sérieux et une colère qu'ils peinent à maîtriser: "On meurt au milieu d'une phrase, au milieu de la vie."?

Lorsqu'ils se rencontrent à l'une des réunions du groupe de soutien que fréquente la jeune fille, son ami Isaac vient accompagné de Gus. Dès le premier regard, un complicité ambiguë nait entre eux. C'est par l'intermédiaire d'un roman que celle-ci veut lui faire lire qu'ils se découvrent et Gus tombe amoureux, malgré les réticences d'Hazel à se laisser aller. Ledit roman, écrit par un certain Peter Van Houten, devient peu à peu un personnage à part entière de l'histoire, cette dernière ne jurant que par lui. A son grand étonnement, Gus se passionne pour ce livre et lui voue le même culte. Péripéties inattendues en perspective!

 

Riche en références, aussi bien littéraires que scientifiques ou artistiques, l'auteur restitue ces jeunes dans un univers qui est le leur: fans de jeux vidéos et de romans de science-fiction, n'ayant pas leur langue dans leur poche, ils ne manquent pas de répartie et y vont toujours de leur petit commentaire cynique, jamais réellement méchant. Mais cette adolescence, marquée par la maladie, les pousse à profiter de l'inéluctable éphémère de chaque instant. Ils ressentent le monde à fleur de peau: "On n'est jamais sauvés que provisoirement" rappelle constamment Gus, et l'on souffre avec eux de savoir que l'avenir n'existe pas.

 

D'une plume fluide, John Green distille une touche d'humour là où d'autres tomberaient dans le mélo larmoyant, et de la magie dans les moments les plus difficiles. On sait plus ou moins comment s'achèvera cette histoire, sans pour autant être cousue de fil blanc et tient le lecteur en haleine jusqu'au bout. Qui restera? Qui nous quittera le premier?

Déjà très médiatisé lors de sa sortie, ( "Qui es-tu Alaska", son premier roman avait remporté un franc succès en 2007), on parlait de "Nos Etoiles contraires" comme LE roman de l'année. A-t-il souffert de cette sur-médiatisation et de sa récente adaptation cinématographique? On passe un bon moment en compagnie d'Hazel et Gus, si tant est que l'on puisse parler de "bon moment" dans un contexte tel que celui-ci, mais le coup de coeur attendu n'était pas au rendez-vous...

 

 

 


20/09/2014
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"Confusion" de Cat CLARKE

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Robert Laffont, Octobre 2012

 

Grace avait tout pur être heureuse. Mais quelle jeune fille de son âge n'a passé des heures à geindre de son morne quotidien, de sa penderie pleine à craquer, convaincue de n'avoir rien à porter, et que rien qui ne se passe jamais comme prévu? 

 

Elle avait pourtant Nathan, pour qui elle craquait complétement, sa meilleure amie Sal, toujours là en cas de coup dur, et jouissait d'une certaine popularité dans son lycée où elle s'était intégrée tant bien que mal: alcool, aventures sentimentales à répétition, fêtes à tout va chaque fois que l'occasion se présentait. Elle voulait être là où il faut être vue, se faire remarquer et pas toujours de la meilleure manière qui soit. Etre "la fille cool", toujours prête à tout...

Entrant et sortant de chez elle comme dans un hôtel, sa mère laissait passer toutes ses tentatives de provocation pour attirer l'attention. Absente la plupart du temps depuis le décès de son père, leur rapports alternaient brefs conflits et échanges superficiels. Mais derrière cette attitude désinvolte se cachait une mélancolie latente qu'elle ne supportait plus.

Un soir, déçue de tout et de tous, elle s'enivre et part seule dans un parc avec la ferme intention de se suicider. Son dernier souvenir? Sa rencontre avec la mystérieux Ethan. Kidnappée et enfermée dans une chambre où tout est blanc, avec seulement des feuilles et de stylos, elle se met alors à écrire, comme il le lui le demande. Elle n'a guère d'autre occupation, si ce n'est cogiter sur sa vie et dormir. Grace ne fait pas dans la langue de bois lorsqu'elle évoque son passé. Un passé dont elle n'est pas vraiment fière. L'introspection à laquelle elle se soumet révèle son manque de confiance et d'estime de soi; mais jusqu'à présent, elle ne s'en était jamais beaucoup souciée.

Ethan... Tout au long du roman, le mystère demeure sur ce personnage troublant. Il fait tout pour elle, anticipe chacun de ses besoins, fait le ménage, lui prépare de bon repas, veille à ce qu'elle ne manque de rien. Mais elle ne sait pas ce qu'elle fait là!  Qu'y a-t-il derrière la porte de cette chambre stérile qu'elle n'ose ouvrir? Et que lui veut-il? Peu à peu, elle s'aperçoit qu'elle développe peu à peu le syndrome de Stockholm pour pour cet étrange jeune homme qui l'attire malgré elle...

L'emploi du style "oral", les longs flashbacks et ses monologues lorsqu'elle fait le point sur sa vie, donnent l'impression de connaître l'héroïne et impliquent le lecteur dans l'intrigue. Mais comme elle le dit elle-même: " C'est douloureux de penser. [...]. Je suis fatiguée de penser. Je suis fatiguée de me souvenir.". De la mort de son père en particulier, dont on se sait rien jusqu'à la fin, mais qu'elle évoque souvent.

 

Plus crue, plus cynique que certains auteurs de sa génération (on pense aux récentes publications de Gayle Forman), Cat Clarke livre un premier huis-clos perturbant, une pause dans le temps où tout repère disparait. "Confusion" envoute, provoque, et suscite l'intérêt jusqu'aux dernières lignes et ... laisse espérer un second tome!

 

 

 

 

 


04/09/2014
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" Pour un jour avec toi" de Gayle FORMAN

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Pocket, Juin 2014

 

Lorsqu'Allyson et sa meilleure amie partent en séjour linguistique avant leur entrée à l'université, Allyson est loin d'imaginer que ce voyage en Europe changera le cours de sa vie...
En un jour...

Disciplinée, rabat-joie pour certains, elle s'intègre difficilement au groupe, faisant simplement ce qu'on attend d'elle. Contrairement à Mélanie qui ne manque pas une occasion de sortir du rang! Mais pour l'une comme pour l'autre, ce voyage sera une révélation, en particulier pour Allyson qui prendra conscience qu'elle n'a peut-être jamais été elle-même.

Attachante, parfois énervante, entêtée... mais n'est-ce pas ce qui fait son charme? Nature, naturelle, elle se livre sans retenue, se découvre et se laisse découvrir par le lecteur. La suivre dans ses  pérégrinations crée rapidement un rapport de proximité: on a une réelle envie de la suivre, de savoir ce qui lui passe par la tête, ce qui la pousse à faire des choses qu'elles n'aurait jamais imaginées quelques instants auparavant. Elle devient comme une amie qu'on a envie d'aider, de bousculer parfois, de réconforter.
Peu à peu, elle sort de sa coquille de jeune fille sage, s'émancipe, pour s'ouvrir à la vie et à ses "accidents"... De prévisible, elle devient spontanée et n'en est que plus touchante. Le fait de la suivre durant des mois nous rapproche d'elle, de ses vrais sentiments, de ce qu'elle attendait de la vie sans se l'avouer. Mais il est difficile d'aborder la psychologie des personnages, car elle s'imbrique dans le déroulement de l'intrigue...

Ce premier "accident" est sa rencontre avec Willem. Un soir, elle délaisse la pièce de Shakespeare au programme... pour aller en voir une autre représentation plus atypique, jouée en plein air par une troupe de passage en ville. Comédien à ses heures, il y tient l'un des rôles principaux. Rêveur et nomade, lui ne connait pas la sécurité du cocon familial. Il passe son temps à voyager, sans attaches, plus par peur que par envie, et ne semble trouver sa place nulle part. A fleur de peau, il tente de se dissimuler derrière ses lubies et son humour, mais sa sincérité se révèle lorsqu'il ne peut que baisser sa garde face à Allyson.

Leur rencontre fortuite est intense (on se demande souvent où est la part de hasard...), et la spontanéité contagieuse de Willem les unie aussitôt, décuplée par tant de coïncidences. Alors elle décide de le suivre. Pour un jour. Mais ce jour avec lui apprendra bien des choses sur elle-même et le jeu de la vie...

 

Au fur et à mesure, Gayle Forman met en scène des héroïnes plus âgées, ce qui confère un réel intérêt à suivre sa bibliographie pour en percevoir l'évolution. Leurs préoccupations restent les mêmes: relations familiales, amicales, sentimentales, mais elles gagnent en maturité et n'envisagent pas les choses sous le même angle. On retrouve leur côté naïf, leur envie de voir la beauté de la vie, leur révolte lorsque celle-ci leur apparait injuste et qu'elles se heurtent à d'inévitables obstacles. Mais l'auteur parvient toujours à extraire quelque chose de positif de toutes les situations. Le ton reste léger, fluide, riche, mais sans avoir l'air, elle sait donner à réfléchir.

 

Elle délaisse la musique, qui lui est chère, pour s'inspirer des oeuvres de Shakespeare et entraînent le lecteur dans un tourbillon de tirades qui prennent leur sens au fil de l'histoire... et les magnifie.
On ne peut que poursuivre par "Pour un an avec toi", où cette fois, la parole est donné à Willem, durant cette même année...

 

 

 

 

 


17/08/2014
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" Libre et assoupi" de Romain MONNERY

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Le Livre de Poche, Avril 2014

 

"Machin" ne fait rien. Machin ne veut rien faire. Il en a fait son mode de vie. Son seul centre d'intérêt? Dormir. Le milieu professionnel lui est totalement étranger, et il ne souhaite en aucun cas faire connaissance avec lui! Travailler?: "On ne peut pas forcer sa nature!".

Seulement voilà... Machin a 25 ans, un bac+5 en poche, et vit chez ses parents, qui l'entretiennent. Ce n'est pourtant pas faute de le lui avoir répété: s'il continue à "végéter" en marge de la société, il devra quitter le confort du foyer familial et se débrouiller.

Sans surprise, il se retrouve à la rue... L'idée lui vient alors de reprendre contact avec une amie, installée en collocation à Paris. Une aubaine! Plus ou moins bien accueilli par les deux autres occupants de l'appartement, Machin prend ses aises sans se poser de questions. Pourquoi s'en poserait-il maintenant puisqu'il ne l'a jamais fait auparavant? Mais si sa situation lui convient très bien, elle n'est pas du goût de tous. Quand sa contribution aux dépenses quotidiennes communes est abordée, il va bien falloir trouver une solution... que Machin rejette aussi loin que possible, à grand renfort d'arguments dont on ne peut que rire: le travail et lui ne sont pas compatibles. Ses lettres de motivation suffisent à dissuader n'importe quel employeur de lui accorder un entretien. Lorsque, contre toute attente, il parvient à décrocher un stage, il en est presqu'admirable d'incompétence... et ce n'est que le début d'une série d'échecs tous plus drôles les uns que les autres.

Ecrit à la première personne, on a vraiment l'impression de suivre notre looser dans ses péripéties. Et si l'oisiveté est le maître-mot de ce roman, il se lit d'une traite! Romain Monnery promène son lecteur entre fiction et réalité, ne lésinant pas sur le comique de situation pour dresser le portrait d'une génération, pas si fictive que cela, qu'il semble hélas bien connaître.

A lire, pour le plaisir...

 

 

 

 


13/06/2014
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" Les Coeurs fêlés" de Gayle FORMAN

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Le Livre de Poche, Mars 2011

 

Lorsque Brit s'apprête, à contre coeur, à partir en voyage en famille, son père lui annonce qu'ils ne partent que tous les deux, sans son demi-frère ni son "Monstre" de belle-mère. Elle est loin d'imaginer ce qui l'attend...
Voyant le paysage défiler, elle comprend vite que quelque chose cloche. Sans guère d'explications, la voilà arrivée au pensionnat de Red Rock, où son père la remet entre les mains de surveillants peu commodes, et reprend la route sans oser se retourner.

Un pensionnat? Disons plutôt un centre de redressement aux moeurs douteuses, dirigé par le "Shérif" et son équipe pédagogique aux références discutables! Coupée de tout, c'en est fini des virées entre amis et des concerts avec son groupe de rock. Aussitôt soumise à un programme disciplinaire où le moindre faux pas entraîne sanctions et humiliations, on lui interdit même de communiquer avec ses proches. Brit tombe de haut, et n'est pas au bout de ses peines...

Refusant de se plier aux exigences de Red Rock, elle sort peu à peu de sa coquille de rage. Contre toute attente, elle ne tarde pas à trouver des alliées dans cette forteresse où les séances de thérapie consistant à s'insulter les unes les autres se succèdent aux heures passées à empiler des briques sous l'oeil féroce des plus anciennes pensionnaires, pressées de regagner leur liberté et de s'attirer les faveurs de leurs "tortionnaires".

C'est ainsi qu'elle se lie d'amitié avec une bande de jeunes filles qui comme elle, refusent de rentrer dans le rang. Coachées par la tempétueuse Virginia, dite "V", elles forment le groupe des "Fêlées", jamais en panne d'idées (ni d'audace!) pour échapper aux règles de Red Rock. Fortes de leur solidarité et de leur loyauté, elles deviennent de véritables soeurs de coeur, toujours prêtes à se soutenir en cas de coup dur.

Longtemps bornée à se demander ce qu'elle a fait pour mériter cela, c'est au fil des chapitres, notamment lors des séances avec sa psy, que Brit se livre. En acceptant de se confronter à son passé, sa vie lui apparait sous un jour nouveau. Mais quand reverra-t-elle le jour?

Gayle Forman exploite brillamment la psychologie de ses personnages en leur conférant maturité et recul face aux situations auxquelles les adolescents peuvent être confrontés (deuil, troubles alimentaires, famille recomposée, homosexualité), et s'impose comme une référence de la littérature jeunesse... mais pas seulement. Car si le style reste simple, le registre de langue et le contexte accrocheurs pour les ados, ses romans s'intéressent et à s'adressent à tous. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


02/06/2014
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